« Ce jour-là, tous les dieux se trouvaient sur le Mont Kailash, aux côtés de Shiva et de Parvati. Les rishis étaient également présents. La joie qu’ils éprouvaient tous d’être ainsi rassemblés illuminait les lieux.
Mais voici que Narada offrit à Shiva un splendide fruit divin, dont l’aspect laissait supposer un goût succulent. Le grand dieu se demanda auquel de ses deux fils il allait le donner : Ganesh ou Karttikeya. Comme il ne parvenait pas à se décider, il posa le fruit à côté de lui. Aussitôt les deux enfants le lui réclamèrent, chacun le revendiquant pour lui seul. Shiva se retrouva encore plus embarrassé. Il se retourna vers Brahma pour lui demander conseil :
Mes deux fils veulent ce fruit. Or je n’en ai qu’un seul et ils refusent de le partager. A qui dois-je le donner ?
Il faut l’offrir à Karttikeya car il est le plus jeune.
Dès que Shiva eut donné le fruit à son plus jeune fils, Ganesh entra dans une vive colère. Il était furieux à l’égard de Brahma dont la réponse l’avait défavorisé. La paisible assemblée divine commença à se dissoudre, chacun préférant rentrer rapidement chez soi. De retour dans l’univers qui lui est propre, Brahma entreprit la création. Mais Ganesh s’opposa opiniâtrement à son œuvre. A chaque étape, il riposta par un obstacle. Lui dont l’aspect est d’ordinaire si charmant, il avait assumé une forme effrayante à voir.
En le voyant, Brahma le démiurge se mit à trembler d’effroi. Mais Lune, qui était témoin de la scène, réagit tout autrement. Il se mit à rire. Le spectacle lui paraissait si désopilant qu’il fut pris d’une crise de fou rire aussi bruyante qu’incoercible. Tous ceux qui l’accompagnaient, touchés par cette vague d’hilarité, se mirent à pouffer et s’esclaffer grassement.
La colère de Ganesh s’accrut. Il lança à Lune une sévère remontrance :
Tu t’es moqué de moi de façon méchante et grossière. Tu vas recueillir les fruits de cette action. Désormais, plus personne ne pourra te regarder sans être touché par la disgrâce.
Et à ces mots, il disparut.
Lune perdit instantanément son splendide éclat. Il reconnaissait déjà son erreur :
Quelle sottise j’ai faite ! J’ai ri du Seigneur Suprême, de Celui qui est la Cause de l’Univers ! Je me suis couvert de honte. Que puis-je faire pour me sortir de cette situation ?
Comme il ne trouvait pas de solution, il se rendit auprès d’Indra.
Les dieux détournèrent les yeux à son approche. Indra lui parla cependant, en gardant lui aussi les yeux baissés.
Eh bien ! Que t’est-il arrivé ? Raconte-moi tout sans mentir.
Que puis-je te cacher ? Pourquoi me questionnes-tu quand tu connais les faits ? Ô toi aux mille yeux, je t’en prie, libère-moi de cette imprécation, sinon le monde entier en supportera les résultats maléfiques.
Va auprès de Brahma. Personne ne possède autant de sagesse et de compassion.
Brahma n’eut qu’un conseil. Il fallait prendre refuge en Ganesh lui-même. Lune se recueillit devant une image du Dieu qu’il avait outragé. Il entreprit les rites appropriés et chanta des hymnes – avec amour et modestie – et Ganesh lui apparut. Lune se précipita vers lui en pleurant et posa son front sur ses pieds.
Seigneur ! Pardonne-moi ! Fais que l’on puisse à nouveau me regarder !
Ganesh ne pouvait revenir sur sa parole, mais il l’adoucit en ces termes :
Ma malédiction ne portera que sur un seul jour par an. Celui qui, consciemment ou inconsciemment, lèvera les yeux sur toi le quatrième jour de la lunaison claire du mois de Bhadrapada, celui-là sera maudit et recevra beaucoup de souffrance.
En entendant ces mots, Lune fut empli de joie et cria avec reconnaissance le nom de Ganesh »[1].
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Le calendrier Hindou est basé sur les mois lunaires divisés en deux moitiés :
En janvier, le Soleil part du nord, commençant son voyage à partir du Capricorne jusqu’au Cancer : on appelle cette période Makara Sankranti.
En juillet, le Soleil va vers le sud, commençant son voyage de retour à partir du Cancer jusqu’au Capricorne : on appelle cette période Karla Sankranti.
Le mois de Bhadrapada débute dans la seconde moitié du mois d’août : il couvre la Vierge dans le Zodiaque tropical, ou le Lion (Simha) dans le Zodiaque sidéral. Il est à noter que le 15 août, date de l’Assomption, correspond à l’entrée du Soleil en Lion sidéral (Léo).
Ce conte puise sa source dans la tradition indienne. Le mental, en Inde, est différent du mental européen :
L’Inde est gouvernée par la Lune et par Neptune – dévotion (voilé par la Lune), par Saturne et par la loi du Karma, qui peut conduire à une certaine forme de passivité et de fatalisme. La race orientale, en général, est intérieurement active et extérieurement passive.
L’Europe est gouvernée par le Soleil et par Uranus – individualisme (voilé par le Soleil), qui peut conduire à une certaine forme d’activisme et d’égoïsme, la conscience centrée sur ce qui n’est pas le Soi. La race européenne, en général, est intérieurement passive et extérieurement active.
Les deux, Inde et Europe, sont appelés à fusionner pour former la Nouvelle Humanité, qui collaborera avec le Dessein divin.